Oshôgatsu, le nouvel an au Japon
- TetsugakuChat
- 6 janv.
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Dernière mise à jour : 12 févr.
En France, le Nouvel An est une période festive. Il se célèbre généralement avec des amis le 31 décembre, dans une grande effervescence, et n’est pas du tout reposant. Le premier jour de l’année est donc souvent un jour de repos, pour se remettre des événements de la veille. Au contraire, au Japon, le Nouvel An se fête plutôt en famille, dans une ambiance assez calme. Ce moment marque un renouveau spirituel, une gratitude pour l’année écoulée, et l’espoir du bonheur à venir. Cette période est nommée Shôgatsu (正月), et dure du 1er au 3 janvier, bien que les préparatifs commencent dès décembre.
Préparation
Traditionnellement, pour la préparation du Nouvel An, on retrouve le grand ménage, Ōsōji (大掃除), effectué dans les maisons, les bureaux et les temples pour purifier les espaces et accueillir les divinités de la nouvelle année dans un environnement propre. En effet, le shintoïsme et ses kamis accordent une grande importance à la pureté (kiyome, 清め), et la saleté (kegare, 汚れ) est vue comme une forme d'impureté qui perturbe l’équilibre entre les humains, les divinités, et la nature. Ce ménage permet donc de purifier l’espace, mais aussi l’esprit, afin d’accueillir la nouvelle année comme il se doit.
Quelques semaines avant le réveillon, on observe déjà les décorations nommées Kadomatsu (門松), un arrangement de pin, bambou et prunier placé à l'entrée pour inviter les divinités protectrices, ainsi que les Shimenawa (注連縄), des cordes sacrées suspendues aux portes pour éloigner les mauvais esprits. Enfin, les Kagami mochi (鏡餅), deux galettes de riz surmontées d'une orange amère, sont placés dans les maisons, et symbolisent l'harmonie et la prospérité. Pour préparer la maison pour cette occasion particulière nous avons également fait une séance d’Ikebana avec ma belle-mère, qui est l’arrangement floral traditionnel japonais.
31 décembre

Le réveillon se passe en famille, autour d’un bon repas, notamment des Toshikoshi soba (年越しそば). Les nouilles, longues et fines, symbolisent une vie longue et la transition vers la nouvelle année. Dans la famille de mon mari, nous avons accompagné cela de délicieux tempuras de légumes. Nous avons ensuite joué aux Karuta, un jeu de cartes traditionnel japonais qui combine rapidité, mémoire et culture. Certaines cartes contiennent des poèmes classiques japonais (Hyakunin Isshu) et sont des cartes de lecture, tandis que d’autres contiennent des fragments de ces poèmes. L’objectif est de trouver le fragment correspondant au texte lu à haute voix, tiré des premières cartes. Pour la petite française que je suis, avec un niveau de japonais basique, il était difficile de comprendre le sens. Néanmoins, cela constitue un bon entraînement pour la lecture des hiragana et un excellent exercice d’écoute.
Nous sommes ensuite allés nous coucher après un bon bain chaud*, en écoutant les cloches du temple bouddhiste le plus proche sonner 108 fois. Le rituel des cloches s’appelle Joya no Kane (除夜の鐘) et marque la transition vers la nouvelle année. Ce chiffre a une signification profonde dans le bouddhisme et est lié à la purification spirituelle. Le chiffre 108 représente les désirs terrestres ou attachements (bonnō, 煩悩) qui troublent l'esprit humain. Selon les enseignements bouddhistes, ces désirs sont la source de la souffrance et empêchent d’atteindre l’illumination. Les cloches sont frappées 108 fois pour symboliser la purification de ces désirs. Chaque coup représente l’élimination d’un de ces attachements, permettant aux participants de commencer la nouvelle année avec un esprit purifié. Beaucoup de Japonais se rendent au temple le soir même pour assister à ce rituel.
Premier jour de l'année
Le 1er janvier, certaines personnes se lèvent tôt pour admirer le premier lever de soleil, considéré comme un moment propice pour formuler des vœux. Beaucoup vont également visiter les sanctuaires et les temples pour prier pour une année prospère. À ce moment-là, les temples sont noirs de monde. Nous avons donc décidé d’attendre quelques jours avant d'y aller. Nous avons commencé la journée par manger le Osechi ryōri (お節料理), le repas traditionnel du Nouvel An composé de nombreux petits plats symboliques, servis dans des boîtes laquées. Chaque aliment a une signification et son ingestion est liée aux espoirs pour l’année à venir. Par exemple, les Kuromame, des haricots noirs sucrés, symbolisent la santé et l’assiduité. La racine de lotus symbolise une vision claire de l’avenir, tandis que le Datemaki (rouleau d’omelette sucrée) est associé à l’apprentissage et à la culture en raison de sa forme ressemblant à un rouleau de parchemin. L’Osechi est souvent consommé avec du zōni, une soupe au mochi, et du saké. Le 1er janvier est également le moment de recevoir les Nengajō (年賀状), les cartes de vœux des amis, collègues...


Pour ma part, ce Nouvel An a été l’occasion de découvrir de plus près la tradition japonaise. J’ai beaucoup apprécié le calme, qui s’oppose aux soirées tumultueuses de l’Occident. Cela permet de débuter l’année dans une atmosphère paisible, en harmonie avec ses proches. C’est aussi l’un des rares moments de vacances au Japon, qui apparaît donc comme une occasion de se ressourcer avant de reprendre le travail. La nourriture est délicieuse, saine et esthétique, et correspond parfaitement à mes goûts. J’espère pouvoir ramener certaines de ces traditions en France et en faire profiter mon entourage, notamment ceux qui préfèrent passer une soirée tranquille, sans ressentir la pression extérieure et l’injonction à la fête. J’ai également eu l’occasion d’essayer pour la première fois de porter un kimono. Les tissus en soie et les motifs colorés ont renforcé mon admiration pour l’art de l’ornementation japonais. Mon âme d’esthéticienne était en joie ! Une belle manière de commencer l’année, et de me replonger dans mes recherches de mémoire sur l'art japonais et la philosophie japonaise.
Et à vous tous qui me lisez, あけましておめでとう (akemashiteomedetô) ! Bonne année !
*Le bain est un élément à part entière de la culture japonaise qui mériterait bien un article en lui-même. Mais en attendant, je vous conseille vivement le livre d'Akira Mizubayashi, Dans les eaux profondes : le bain japonais. L'auteur revient sur des anecdotes de sa vie et mène une analyse politique du Japon, tout en parlant de ce phénomène quotidien.
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