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Hasui Kawase : le moins célèbre des trois "grands H" de l’art japonais

  • Photo du rédacteur: TetsugakuChat
    TetsugakuChat
  • 17 nov. 2024
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 18 nov. 2024

Baladez-vous dans une librairie française et vous trouverez facilement des livres d’estampes, des calendriers décorés de La Grande Vague de Kanagawa, des porte-clés, des stylos, et des marque-pages. L’estampe japonaise reste encore aujourd’hui très populaire, apportant une touche de nature et de raffinement dans le quotidien. Ce phénomène n’est pas nouveau mais remonte au XIXe siècle. Dès que nous pensons à ces œuvres, deux noms nous viennent généralement en tête : Hokusai (1760-1849) et Hiroshige (1797-1858). Je ne présenterai pas ici ces deux grands maîtres de l’estampe japonaise, car de nombreux ouvrages leur sont déjà consacrés. Cependant, il est nécessaire de présenter le mouvement auquel ils appartiennent, l’ukiyo-e, pour la suite de cet article.


Edo et l'Ukiyo-e


Le terme ukiyo-e signifie littéralement « images du monde flottant » et désigne un courant artistique de l’époque d’Edo (1603-1868), principalement reconnu pour ses gravures sur bois représentant des thèmes appréciés par la bourgeoisie de l’époque. Le "monde flottant" renvoie au concept bouddhique d’impermanence, soulignant le caractère transitoire de la vie, son cours irréversible. En ce sens, ces œuvres pourraient conceptuellement être rapprochées des vanités ou mementos mori occidentaux. Cependant, alors que les vanités se concentrent davantage sur la mort et la déchéance (cela s’observe notamment pas le motif récurrent du crâne), les ukiyo-e privilégient des scènes quotidiennes, capturant des instants éphémères de vie. 


A gauche, une estampe du célèbre Hokusai tirée de la série Les cent poèmes de cent poètes expliqués par la nourrice (1830–1841). A droite, les vanités de Philippe de Champaigne.


En abordant une grande variété de thèmes, ces estampes reflètent la culture populaire et les idéaux esthétiques de leur temps. Les scènes de divertissement urbain, comme les quartiers de plaisir, les festivals ou le théâtre kabuki, mettent en lumière l’effervescence des grandes villes. Les paysages, quant à eux, capturent la beauté changeante des saisons, des montagnes et des lieux célèbres. Les représentations de la beauté féminine, ou bijin-ga, exaltent l’élégance des courtisanes et des femmes de l’époque, tandis que les animaux et fleurs symboliques évoquent un lien poétique avec la nature. Enfin, les ukiyo-e puisent également dans l’histoire, les légendes et les récits populaires, proposant des illustrations héroïques, mythologiques ou même érotiques, comme les shunga.



Le shin-hanga et le troisième H


Au Japon, on parle des « 3 H de l’art japonais ». Après avoir mentionné Hokusai et Hiroshige, quel est le troisième artiste associé à cette consonne ? Il s’agit de Hasui Kawase (1883-1957), un autre maître de l’estampe. Celui-ci, toutefois, appartient à une époque différente et à un mouvement différent.

Au  XXe siècle, deux courants majeurs apparaissent en réponse à de l’intérêt croissant de l'Occident pour les ukiyo-e traditionnels, incitant les artistes japonais à réexplorer et réinventer leur propre héritage culturel. Le sôsaku-hanga (estampes créatives) promeut le slogan ‘jiga jikoku jishô’ (« auto-dessin, auto-gravure, auto-impression »), l’artiste réalise lui-même chaque étape du processus artistique de l’estampe, tandis que le shin-hanga (nouvelle estampe) conserve le système collaboratif traditionnel, impliquant l’artiste, le graveur et l’imprimeur. 



A gauche, une estampe du mouvement sôsaku-hanga, "bathing" par Yamamoto Kanae. A droite, une estampe de Hasui Kawase, illustrant le mouvement shin-hanga.


Ce dernier mouvement cherche à fusionner le savoir-faire et les sujets des ukiyo-e avec des styles contemporains. Le style se différencie donc grâce à des techniques importées de l’occident, donnant lieu à plus de perspectives et d’effets de lumière. Les pigments sont également différents, et les couleurs sont plus riches et saturées. Les shin-hanga sont souvent perçus comme populaires et peu intellectuels, critiqués notamment par les artistes du sôsaku-hanga pour leur manque de progression politique ou d’avant-gardisme. Cependant, ces estampes présentent une forte dimension poétique, exprimant des sentiments de tranquillité et de contemplation à travers des paysages où la nature joue un rôle central. Les conditions atmosphériques comme la pluie, la neige ou la brume accentuent cette éphémérité de la nature, transformant des scènes banales en espaces poétiques. Pour ces vues, les artistes font des voyages, des ‘sketch trips’, une pratique importée de France dans les années 1900. Même si le travail est parfois conceptuel, en ajoutant et soustrayant des objets ou en synthétisant des vues, leur art se base sur l’étude rigoureuse de la nature. Enfin, les ukiyo-e sont initialement destinées à un public japonais local, tandis que les shin-hanga ciblent davantage les collectionneurs étrangers, contribuant à diffuser l'image du Japon traditionnel à l'international. 

Watanabe Shôzaburo, un éditeur influent, délègue la production de fûkeiga (paysages) à des artistes dont Hasui fait partie. Ce dernier deviendra l'artiste le plus prolifique de son temps. On dit notamment que Hasui, qui avait une santé fragile, a développé un goût particulier pour l’observation des paysages lorsqu’il était envoyé en repos chez sa tante, à la campagne. Les œuvres de Hasui les plus connues en Occident sont ses meisho-e, les “images de lieux célèbrent”, comme par exemple Le temple Zozoji sous la neige.


Snow at Zojoji Temple (Yuki no Zojoji), Kawase Hasui, 1929
Snow at Zojoji Temple (Yuki no Zojoji), Kawase Hasui, 1929

Pourtant, Hasui a majoritairement peint des paysages du Japon reculé et peu connu des touristes. Voici donc une sélection de vues pour un voyage virtuel et artistique, plus globalement au coeur de l'asie, car il y a également des vues de Corée : 



Pour plus de renseignements sur la vie de l'artiste, n’hésitez pas à vous diriger vers le livre de Christine Shimizu Le Japon éternel de Kawase Hasui, ou encore vers l’ouvrage très complet, mais en anglais cette fois-ci Kawase Hasui: The Complete Woodblock Prints de Kendall H. Brown, dans lequel la quasi-totalité de ses estampes sont présentées. Le site de l'Art institute Chicago présente aussi un grand nombre de ses œuvres numérisées, disponibles au lien suivant : https://www.artic.edu/artists/35220/kawase-hasui

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