Difficulté et appréciation : ma première semaine japonaise
- TetsugakuChat
- 12 sept. 2024
- 4 min de lecture
Partageons-nous assez nos impressions négatives et nos défis lorsque nous parlons de notre expérience, notamment du voyage ? Ici, un bref retour sur mes premiers jours au Japon dans le cadre de mon échange universitaire d'un an, loin de l'idylle montrée la plupart du temps sur les réseaux. Car oui, soyons honnête, partir à l'autre bout de la planète n'a rien de simple, même si cela est une chance incroyable.
Préparation
En préparant mon année d’échange au Japon, Internet m’a grandement aidé. J’y ai trouvé des conseils pour les assurances, pour l’obtention du visa étudiant, l’achat d’une carte SIM, le prix des logements… Des conseils pratiques en sommes. Du côté des témoignages sur l’expérience de l’expatriation, quelques vlogs d’étudiants étrangers faisaient rêver à la vie tokyoïte. Avec ces bagages, un bon guide offert par ma mère, et les bases rudimentaires du japonais, je me sentais prête à affronter cette année de nouveauté avec peu de difficultés. Au moment de dire au revoir à mon père, il m’a dit : « Tu sais, tu connais bien le Japon en théorie, mais il est possible qu’une fois sur place, ça ne te plaise pas. Et si c’est le cas, ce ne sera pas grave ». En deux ans de préparation, mariée à un Japonais, cette idée ne m’avait jamais effleurée. J'avais toujours vu les barrières de la langue et les différences culturelles comme des étapes à franchir, sans envisager la possibilité de ne pas trouver de plaisir à vivre dans ce nouveau pays.
Arrivée
À 6 h 55, les roues touchaient le sol mouillé de l’aéroport de Haneda. Après 14 heures de vol, et un malaise dû à l’absence de bas de contention (grave erreur, surtout pour un premier vol long-courrier — pourquoi personne n’en parle sur YouTube ?), j’étais enfin sur le sol japonais. À la première question de mon mari : « Qu’est-ce que tu veux manger ? » , je répondis sans hésiter vouloir mon baptême de gyudon, ce fameux bol de riz au bœuf. Première déception culinaire… (en y repensant, je pense simplement que Yoshinoya, une chaîne familiale populaire ici, n’est tout simplement pas à mon goût). Nous prîmes ensuite la direction de la préfecture de Kanagawa. Je contemplais les alentours de l’aéroport à travers la vitre de la voiture : des usines, des paysages désolés. La laideur m’effrayait un peu. Se pouvait-il que je sois déjà déçue par le Japon, à peine deux heures après mon arrivée ? Évidemment, la fatigue empêchait à ce moment toute possibilité de prise de distance : qui affirmerait que Paris-Charles de Gaulle reflète le patrimoine français ? Quoi qu’il en soit, à cet instant précis, mon stress grandissait à mesure que la voiture s’éloignait de « chez moi », pour s’enfoncer dans les méandres autoroutiers. Les mots de mon père résonnaient dans ma tête.
Adaptation
Parle-t-on assez de l’adaptation corporelle au lieu ? Je savais que le taux d’humidité était élevé, qu’il était déconseillé de venir en été, mais je n’avais jamais entendu que cela pouvait totalement gâcher un séjour. Il est évident que cela dépend de la composition de chacun, en tout cas, c’est ici que j’ai pour la première fois ressenti ce que signifie réellement un temps lourd. L’air était si dense qu’il était difficile pour moi de respirer, je suffoquais. La clim du métro trop froide me permettait quelques instants de répit, jusqu’à la sortie où je redevenais un poisson hors de l’eau. Durant ma première semaine d’acclimatation la maison familiale fut d’un grand réconfort. À grands verres de mugicha et avec l’aide de la fabuleuse cuisine de mes beaux-parents (j’ai notamment découvert les brochettes de viande appelées tsukune, grâce auxquelles j’ai cassé mon végétarisme dès le premier jour), je me suis peu à peu restaurée. J’ai surtout pu apprécier le temps long, celui des vacances que je n’avais pas ressenti depuis longtemps, ainsi que le chant des semi*, les cigales japonaises. Finalement, cette nécessité de calme me permettait l’observation : si j’avais eu la possibilité d’aller faire les visites classiques dès le début, aurais-je remarqué que toutes les horloges et montres de la maison avaient 5 minutes d’avance sur l’heure officielle ? Aurais-je pu porter attention à toutes les conversations en japonais pour tenter de comprendre quelques mots ? Aurais-je su qu’il faut rajouter un carré de chocolat noir dans le curry pour lui donner bon goût ? Aurais-je été réveillée plusieurs fois de ma sieste par les chants des enfants de l’équipe de baseball du collège ?

Avec un peu de recul, je remercie l’environnement japonais et mon petit corps pour cette pause. Car chaque sortie, dans les magasins bruyants de sons et de lumières, me ramenait rapidement à la maison, dans le quotidien réel, loin des touristes. Peu à peu, nous nous sommes habitués, et ces premières impressions désagréables n'ont en rien gâché les rencontres et les découvertes marquantes. Mon mari est redevenu japonais, et a troqué ses cheveux longs et sa barbe pour un style plus acceptable. Puis nous avons laissé le temps des vacances et de l’adaptation à la campagne pour rejoindre Tokyo.
*Cela me permet d'ajouter à ce court article un conseil littéraire, le roman Sémi d'AKi Shimazaki. L'autrice d'origine japonaise écrit des pentalogies où les courtes histoires sont liées. Ses écrits, agréables et sans difficulté, permettent à mon sens de ressentir cette essence du quotidien en s'attachant aux détails. À retrouver dans la collection Babel aux éditions Actes Sud.
Bonjour. Ces récits me font voyager sur mon petit écran lumineux. Précieuses lignes, loin des bruits assourdissants et de tous ces réseaux surchargés. C'est une parenthèse bien agréable que celle-là ! Je vais continuer à marcher dans tes pas, à travers tes mots et tes superbes photos.
C'est très très bien décrit, écrit. Je prends plaisir à lire tes mots ma tourterelle. Le père